la situation de handicap

J'écoutais la radio dernièrement, et je suis tombé sur un témoignage de quelqu'un qui n'y voyait rien. On lui avait volé sa vue, et du coup, il avait contracté un daltonisme assez féroce: chaque couleur autour de lui, il la voyait noire. La première réflexion que j'ai eue, c'est que heureusement qu'il passait à la radio, car sinon, son handicap l'aurait considérablement gêné. Parfois, les handicap ne sont pas des choses commodes.
 

 
Je ne sais plus ce qui est arrivé aux malfrats qui lui avaient fait tant de mal, et cela importe peu dans mon récit. Le fait est que la personne aveugle ne leur en voulait pas. Son discours était concilient, plein de joie de vie. Un peu comme si perdre la vue lui avait ouvert les yeux. Si vous voyez ce que je veux dire.



Et c'est justement ça que je n'ai pas compris. Voyez vous, je porte à l'égard de l'humanité une haine féroce, pour m'avoir fait comme je suis, c'est à dire haineux, et pour m'avoir déposé dans un monde en pleine décomposition sociale, où les traders ne prennent leur pied que quand ils marchent sur les mains des ouvriers. Ce qui, je vous l'accorde, leur donne une position bizarre, avec la cravate qui caresse, grosso modo le sol dallé des agences de notation.



A part une maigreur qui laisse deviner l'indigence de mon alimentation, une myopie qui fait que je n'arrive pas à voir clairement ce qui se passe au bout de mon bras tendu, une tendance à ne pas sourire à mes contemporains quand j'en croise dans la rue, et, dernièrement, une décoloration poussée de ma crinière, qu'on appelle glaçage, dans le milieu de la coiffure, je n'ai aucun handicap.



J'en suis pleinement satisfait, mais je peux vous dire que si des personnes, que ce soient mes parents en mettant trop de chromosomes 21 dans mes cellule, où des imbécile qui m'auraient sectionné la colonne vertébrale au niveau du bas du dos, j'aurais éprouvé pour l'ensemble de mon espèce, et sans doutes l'univers entier, une haine des plus farouche, ce qui est assez logique en fin de compte.

Quelqu'un qui vous vole votre vie mérite toute la haine que vous pouvez lui vomir dessus, mérite les pires malédictions qu'un homme puisse proférer contre un autre, comme par exemple se cogner le pied contre un coin de porte tout les jours jusqu'à ce que mort s'ensuive. Une misandrie affichée de la part d'une personne handicapée est toute légitime.



Or, à la radio, ce n'était pas le cas, et il y a pire! De toutes les personnes handicapées que j'ai vu dans des médias, il n'y en avait aucune qui portait pour aversion son genre. Gilbert Montanier fait des blagues sur ses yeux éteints, qu'aucun voyant n'oserait faire en sa présence; l'astrophysicien tétraplégique Hawking garde continuellement le sourire, et Mickaël Vendetta dit chaque jour que le calendrier fait merci à la vie. Pourtant, certaines auraient eu plus que raison de se montrer rancuniers. Non, ils sont tous gentils, et heureux de leur situation, tel des bisounours, ou des télétubbies.
 


Ca m'étonnerais que les barbapapa continuent d'avoir leurs grands yeux gentils si ils se retrouvaient privés de ces mêmes yeux.

Pourtant, il n'est pas un handicapé qui soit misanthrope, d'où ma question: est-ce qu'il n'y en a effectivement pas du tout, auquel cas, leur handicap serait lié à un problème d'appréhension du monde, comme une sorte de double peine pour ces malheureux. Ou alors, ceux qui se couvrent le visage d'un masque de haine ordinaire ne sont pas montrés dans les écrans, de peur que des sourds se mettent à insulter les auditeurs, les aveugles s'en prennent aux spectateurs, et les personnes au QI trop élevé agressent verbalement les téléspectateurs.

(première publication : 12/5/2011)