drive

15 octobre 2012

Je me suis régulièrement fait passer pour un technophobe sur ce blog, il me faut rétablir cette injustice. Le plus souvent, c'est le fait que les gens ne savent pas utiliser convenablement les nouvelles inventions de leur temps qui m'agacent. Je rêve de pousser une vieille qui a la malheur de s'arrêter dans un escalator. Ce qui m'exaspère encore plus, ce sont les technologies qui ne sont pas adaptées à mon usage génial. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas utiliser un I-phone tactile avec des moufles ? Voilà qui me sort par les trous de nez, en même temps que les stalactites hivernales. Du coup, j'attendrais l'Iphone 6 qui aura enfin une application « froid aux doigts ».

A l'exception de ces deux cas particuliers, je suis un fan inconditionnel des nouvelles technologies, surtout quand elles entrent en accord avec mon asociabilité structurelle et mon désir poignant de ne pas avoir de rapports avec tout ce qui ressemble de près ou de loin à un être humain. (vous comprendrez aisément que je me sens très proche des frères Bogdanov qui n'ont d'humain que les yeux pleins de tendresse)

Bref. Prenons une technologie à la mode, le drive. D'abord réservé aux macdos, dans l'idée de faire gagner du temps, car au lieu de s'arrêter une fois pour commander, manger et pisser, il permet de s'arrêter pour commander, pour prendre, pour manger, pour essuyer la tache de ketchup, pour pisser.

Les supermarchés passent à leur tour en drive, et à cette nouvelle, vous avez devant vous un homme heureux! Oui, ce qu'il y a de pénible quand on fait les courses, c'est de devoir dire bonjour à la caissière, qui nous prend en otage le temps de passer les articles, de dire bonjour à son tour, de dire le prix et de recevoir la monnaie. Quelle perte de temps en futilités! Pour ne pas en laisser filer de trop, j'ai pris l'habitude de ne pas prendre le ticket de caisse, laissant l'odieuse bonne-femme le bras tendu avec son dérisoire papier, papier qui a parfois l'indécence de souhaiter notre retour : pour revoir la caissière? Non, jamais!

Du coup, le drive est la plus belle solution. On prépare son panier sur le net, on évite de croiser des voisins pendant qu'on tâte le poisson du doigt ou qu'on extirpe une feuille de salade de la roue du caddy. Sur le net, il n'y a pas ce risque là, et encore moins pour moi, puisque je mets un point d'honneur à bloquer l'intégralité de mes amis « réels » sur msn, facebook et tout le tintouin. On ne mélange pas les torchons et les serpillères!

Du coup, me voilà à vagabonder dans les rayons, à remplir mon panier sans voir personne. Cette solitude est confortable, elle permet une parfaite concentration, et en plus, je peux écouter la musique que je veux, et non pas celle qui m'est imposée par le directeur du supermarché mélomane. Autre avantage, on ne se fait pas accoster par un animateur surexcité avec son micro qui parle de promotion pour des produits qu'on a jamais envisagé d'acheter.

LE BONHEUR!

Je vis seul, j'achète seul.

Que l'on soit bien clair, en son temps, le supermarché permettait d'éviter les échanges laborieux que l'on pouvait avoir avec le primeur, le poissonnier, et n'importe quel vendeur du coin. Dieu merci, je n'ai pas vécu cette époque où il fallait parler à un nombre incommensurable de citoyens mal dégrossis. Le pire que j'ai vécu, et que je continue à vivre, c'est bien ces vendeuses qui me sautent dessus pour me demander ce que je cherche.

« -Rien, connasse! Et encore moins une cruche surpayée qui fait la moitié de mon QI et qui ose imaginer que ses conseils pourraient m'être utiles. »

J'avoue que parfois, le drive, il arrive qu'on doive parler au gars qui nous tend les achats, mais ici, l'échange peut-être des plus brefs:

« -Dépêches-toi! » suffira amplement.

C'est d'ailleurs assez marrant. Pendant que j'apprenais mon boulot, on me répétais que le libre service était la meilleure chose qui soit, le fait de déambuler dans un grand espace, d'y choisir ce qu'on veut, et de discuter avec ceux qu'on croise. Le drive a réussi à faire un bras d'honneur à ce supposé progrès, et internet permet de s'adonner librement à toutes les formalités informatiques sans avoir affaire à personne. Pas de jugement, pas besoin de dire bonjour et au revoir.