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L ' O N A N E U R
28 juillet 2012

un art si respectable

Je sors tout juste d'une unique représentation donnée au conservatoire de ma ville, qui mettait un point final à une année de travail dramatique de jeunes étudiants.



Ce fut une expérience assez bizarre. L'enseignante avait pris des morceaux de différentes pièces de Phèdre (dont Racine et Euripide, si je me souviens bien), et elle avait tenté de ficeler le tout, et de tout mettre en scène.
 

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En fait, du texte, je ne dirais pas un seul mot, c'est la mise en scène qui posa problème. Au début, une fille descend du public et débite son texte dans un micro, tandis que sur scène, un gars, torse nu et nu pieds enchaîne des mouvements incohérents, se roule à terre muet et se relève en poussant des cris. Ce premier tableau est suivi d'un second, ou une fille avance lentement, la tête complètement voilée, en tirant une chaise. Plus tard, j'ai vu les quatre acteurs courir en rond sur scène, en murmurant leur texte, et ensuite, tandis que trois d'entre-eux jouaient de manière étonnement conventionnelle, la quatrième, toute de blanc vêtue tient une porte par sa tranche, sans bouger durant deux bonnes minutes.



Je me suis dit que si la fille à la chaise marchait comme ça dans la rue, on se ficherait bien de sa pomme. A juste titre, bien entendu, parce qu'elle passerait pour folle. Je ne pus réprimer un rire. Un autre éclat arriva vite, au fur et à mesure des mouvements incohérents qui s'enchaînaient.



Puis, j'ai pensé au metteur en scène. Bien particulier comme personnage. Alors que quand je pense à Phèdre, j'imagine des personnage habillés à la mode de la Grèce antique (avant qu'elle ne soit trop endettée), ce qui est assez logique, ce metteur en scène, lui, imagine une fille en burqa qui tire une chaise derrière elle.
 

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J'en pleurais de rire.



Le souci, c'est que j'étais seul à avoir compris la pièce. J'étais le seul à avoir compris que ce n'était qu'une bonne blague. Je tentais donc de réprimer mon rire, mais la mise en scène n'aidait pas vraiment. Imaginez vous voir un brillant comique sur scène, mais qu'on vous interdit de rire: l'enfer!



Autour de moi, tout le monde semblait avoir reçu un sévère manche à balai dans le cul, et regardaient, le visage pincé, comme si c'était tout à fait normal et sérieux. De deux choses l'une: soit ils intellectualisaient, soit ils comataient sérieusement. Je pense qu'ils devaient d'ailleurs intellectualiser, car beaucoup d'entre-eux avaient les yeux fermés, et ronflaient.
 

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Arrivé à la fin, une fille qui n'avait rien suivi à force d'intellectualiser se retourna vers moi: « Vous pourriez rire un peu moins fort, il y a quand même du respect à avoir ». Elle était passablement énervée, vu son ton réprobateur. Ha bon? Rire à un spectacle de Jamel Debbouze serait lui manquer de respect? D'accord. J'ai donc pris acte. Le prochain concert que j'ai de prévu, celui de rammstein par exemple, je demanderais à mes voisin d'arrêter le pogo, parce que c'est manquer de respect pour les artistes.



Le fait est que la scène d'après était une vraie farce, un quiproquo amusant sur une mère morte. J'ai fait du mieux possible pour intellectualiser, mais j'ai pas réussi à m'endormir. La fille qui m'avait remonté les bretelles pouffait gentiment, et manquait tout à fait de respect aux acteurs. Ce que je lui ai signifié à la fin de la représentation. Non mais! Je ne sais plus qui dit qu'il n'y a plus de respect, mais il a bien raison.



Ainsi, le théâtre serait devenu un art où on se fait chier. Moi qui pensais qu'on allait au théâtre pour s'amuser. Ce n'est plus le cas. Interdit! Et si on rit, il faut le faire sérieusement, lèvres à peine écartées pour faire sortir un raisonnable huhuhu. Au lieu d'un grand Hahaha!



Je suis désolé, honteux et confus, mais si j'aime la culture, justement parce que c'est amusant. Tchekhov, grand dramaturge russe, voyait ses pièces comme autant de grandes comédies, et il riait aux larmes quand il les présentait à ses acteurs (qui eux déprimaient et finissaient au bout d'une corde). Donc, le théâtre est le lieu où il faut rire! Kafka aussi s'amusait grandement. Et il y a de nombreux autres exemples!



Mais maintenant, il n'y a plus le droit! Il faut faire croire qu'on est sérieux. Alors qu'au final, tout cela n'est qu'une farce!
 

 

(première publication : 11/8/2011)

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