Lieu des opérations: Afghanistan
Date: lundi 18 aout 2008
Evènement: embuscade des troupes françaises par des talibans
Pertes: 10 morts et une vingtaine de blessés.

le deserteur Boris Vian

La France est en deuil titre le télégramme deux jours plus tard. Deuil parce que dix soldats ont fait leur métier, à savoir se faire buter. Oui, leur métier, n'en déplaise à certains, les soldats n'existent que pour deux tâches: buter ou se faire buter. Quel beau métier que celui de fantassin, n'est-il pas?

Bon, faut dire que ces pauvres bidasses n'avaient pas été prévenues, ils ont signé en se disant certainement: "Bon, on est en France, pays dont l'unique but de l'armée est de s'entraîner pour le 14 juillet, le reste du temps, on fait ce qu'on veut." C'est une pensée tout à fait compréhensible quand on voit l'inutilité de nos gars en uniformes qui, quand ils ne sont pas retranchés dans leurs casernes à jouer aux cartes, marchent dans la rue toutes armes dehors pour terrifier terroristes qui veulent percuter la tour Eiffel avec un ULM détourné, ou attendent dans des gares, leur équipement sur le dos. La soldatesque française ne semble en effet pas prête à attaquer une quelconque nation, pas même la principauté de Monaco, et elle semble encore moins prête à répondre à une offensive luxembourgeoise.

Mais tout ça, c'était avant le drame, bien entendu. Le drame, c'est le président de la république. En tant que chef des armées, il décide de vider la France de ses troupes surentraînées à la Belote, et de les envoyer en Afghanistan, pour aider les troupes etats-uniennes à se dépêtrer de leur bourbier. 3000 soldats français pour ramener la paix dans ces terres hostiles qui ont rien demandé du tout.

Le problème, c'est que les français n'était pas préparés à avoir des chargeurs pleins de balles. Ils étaient encore moins préparés à voir des balles filer autour d'eux. Mais il y avait des gens qui étaient encore moins préparées que ces soldats, c'est les parents des soldats. Pourtant, je vois pas vraiment comment on peut ne pas être préparé. C'est vrai, ils ont pas été trompés sur le produits ces parents quand leur progéniture a dit: "je veux m'engager dans l'armée" Je sais pas, mais ça veut bien dire ce que ça veut dire, à savoir "Je veux aller sur le front, me battre contre des gens qui m'ont rien fait, des ennemis que j'ai même pas décidé. Je vais me raser la tête. Je vais m'habiller très mochement, et je serais comme tout un tas de gens qui savent pas s'habiller. J'aurais un vêtement de camouflage en pleine ville, et ce sera très pratique. Je vais dégommer des innocents,
bombarder des hôpitaux, et surtout, je vais me faire tirer dessus, mon élicoptère va s'écraser dans le désert, je vais recevoir une grenade dans la gueule, je vais faire une hémorragie, je vais crever de vingt balles fichées dans l'abdomen." Ils y vont donc en connaissance de cause, c'est leur choix. Donc, il n'y a pas à les plaindre.

Autant, dans les temps jadis, il y avait le service militaire, et là, personne ne pouvait en échapper, à moins d'un problème physique grave (je me demande d'ailleurs si être gaucher est considéré comme un défaut physique grave). Il y avait aussi un autre moyen d'en réchapper, c'est de devenir objecteur de conscience, statut plus contraignant qu'autre chose parce qu'il fallait faire deux fois plus de service dans un organisme social, ya des tas de paperasse à remplir, bref, tout pour décourager. La dernière possibilité est le désertage, choix que je considérerais le plus noble et le plus révolutionnaire, mais qui comporte des risques: vivre caché toute sa vie et ne pas se faire avoir par les flics, devenir un fugitif.

Ceux du service militaire, donc (revenons un peu à nos moutons), hé ben y étaient bien obligé d'aller au front pour tuer des pauvres gens dans la même situation et qui leur avaient rien fait. Si ces pauvres appelés meurent, j'aurais plus tendance à verser des larmes sur leurs tombes, parce qu'ils ont rien choisi, ils sont emportés par le destin implacable de la guerre aveugle et de la rage innommable des hommes, hommes qui ne sont en fait que des loups pour eux-mêmes, loups armés de kalashnikov et de bombes atomiques, armes qui sont l'ultime marque de l'intelligence supérieure du règne humain.

Quant aux militaires de carrière, je dirais que j'applaudis à chaque fois que l'un d'eux se fait tuer, même si je suis conscient que ce pacifisme primaire risque, s'il contamine toute l'humanité, de rendre nos livres d'histoire bien moins intéressants dans les siècles à venir, et nos JT bien moins spectaculaires, la paix, c'est chiant.

En illustration, la chanson le déserteur de Boris Vian. Je n'ai malheureusement pas trouvé la version non censurée, alors je met les derniers vers de la version.

"Si vous me poursuivez,
prévenez vos gendarmes
Que je sais tenir une arme,
et que je sais tirer!

(première publication : 20 août 2008)

de la dure vie de la soldatesque

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