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L ' O N A N E U R
23 février 2015

L'empereur pâle

The pale emperor, dernier album de Marilyn Manson, est une référence à un ouvrage d'Antonin Artaud : Héliogabale, empereur romain entre 218 et 222. Ce personnage historique était plus occuper à mettre en place un culte d'un dieu unique, Elagabale. Un dieu sous lequel se plieraient les nouveaux chrétiens, qui commencent à s'installer à Rome et dans le reste de l'Empire. Son but étant grosso-modo de restaurer l'unité de l'empire qui commence déjà à cette époque à partir en lambeaux.

Antonin Artaud le décrit comme un homme très pale, sadique, tyrannique et pervers, un anarchiste couronné. L'auteur n'hésite pas à parler de lui comme un dépravé multipliant des exactions toutes plus meurtrières les unes que les autres. Pour Marilyn Manson, Héliogabale était le premier à avoir nié le christ. Le premier antichrist, pourrait-on dire. Une figure qui lui colle parfaitement.

C'est tout naturellement que son nouvel album se nomme ainsi.

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Venons en maintenant aux faits. Cette petite intro culturelle est déjà bien trop longue (même si je vous recommande de lire ce livre, des plus enrichissants, et qu'il faut que je le mette dans ma bibliothèque au plus vite).

The pale emperor, Marilyn Manson. Parce que j'ai de l'argent à outrance, et qu'il me faut bien le dépenser, pour que les banques n'en profitent pas outre mesure, j'ai acheté la version deluxe de l'album. Boîtier plus joli, et trois pistes en plus. Des versions acoustiques de trois chansons du disque. Trois reprises qui font dire aux commentateurs que l'album a une note très blues. Une évolution des plus étonnantes, selon eux.

Je n'entends pas grand chose à ces termes : Manson n'ayant de cesse de chercher à étonner ses auditeurs à chaque album : l'indus crade et glauque remplacé par du glam rock à paillettes étant son plus gros revirement. Dur de faire plus fort, j'ai depuis ses trois derniers disques une impression de continuité musicale. Peut-être est-ce que j'ai les sens anesthésiés par ses frasques, finalement...

Mais, pour étayer mes dires, j'évoquerais les diverses évolutions de look de la rock star. Entre antichrist et Mechanical Animals, justement, et avait aussi effectué un revirement incroyable niveau look : cheveux gras, filasses et longs pour le premier, et bien plus courts, et teints en rouge pour le second. En comparaison, ce simple élément du look n'a sensiblement pas changé entre born villain et the pale emperor. Pour moi, il en est de même pour sa musique.

Attardons nous à présent sur l'objet en lui-même. Le portrait de la pochette est très jolie. Le revêtement granuleux, quelque photos à l'intérieur, jolies elles-aussi. Autre détail qui a son importance, le CD est noir... des deux côtés, ce que j'ai trouvé extrêmement classe. A vrai dire, je me suis longtemps demandé, connaissant cette possibilité, pourquoi les artistes ne l'utilisent pas plus. C'est chose faite pour Manson, et j'en suis ravis, tout en continuant à me demander : Mais pourquoi il y en a si peu ?!?!.

Le résultat est bien plus aboutit que l'album précédent qui était d'une tristesse ! Un bel objet, mais qui a des manques impardonnables. A savoir un dépliant avec les paroles ! Ce n'est pourtant pas compliqué ! Vous direz que le pinaille, mais quand on fait des chansons, c'est la moindre des choses de mettre des paroles. Vous avez déjà été au cinéma sans le livret des dialogues, vous ?

C'est tout ce que j'aurais à dire.

 

Manson-Pale-EmperorManson nous avait laissé, dans son dernier album quelque peu décontenancés. Il semblait, au fil de ses chansons ne plus savoir qui il était. Il n'arrivait plus spécialement à se définir, perdu dans sa caricature, dans ses multiples avatars, et finalement dans son miroir (le premier single ne s'appelait pas no reflection pour rien).

Une sorte de dialogue identitaire où Brian Warner faisait craqueler le maquillage d'épouvantail de Marilyn Manson. C'est ce qui m'avait déçu. Certaines chansons n'étaient pas sans qualités, mais c'est cette impression de vide qui était déstabilisant, et qu'on retrouve depuis 2007.

Du coup, dans cette optique, the pale emperor est une bouffée d'oxygène. Références multiples, blasphèmes, et violence verbale sont légion. Le sieur se fait plaisir à nouveau.

Premier coup de poing pour ouverture : une efficace critique de la mentalité américaine dans une première chanson (killing strangers, très proche dans le sens de we're from america). Belle entrée en matière : Manson is back !

J'ai été tenté de parler de manière chronologique de cet album, mais je préfère m'abstenir. Nous le verrons de manière plus thématique.

Preuve qu'il reste encore beaucoup de traces du Manson des albums précédents : nombre de chansons font références aux défaites amoureuses, à l'amour néfaste, corrupteur, et aussi lassant. N'ayons pas peur des mots. Pour exemple, l'évocation d'une beuverie de 7 jours, dont il se lasse au bout d'à peine trois jours (preuve que son âge avance ?). Beuverie que l'on pourrait rapprocher d'une histoire amoureuse, tant l'amour et la drogue sont liés dans l'imagerie Mansonienne. Cette chanson a la particularité de répéter jusqu'à plus soif (beuverie, soif...) des paroles à la quantité très limité, comme un disque rayé, qui continue à tourner à vide, et participe à l'ambiance oppressante du disque.

D'ailleurs, la chanson warship my wreck, telle que je la comprends, évoquerait la souffrance qu'il a vécues au fil de ses dernières relations, qui lui ont laissé des cicatrices, mais qu'il prenait aussi un malin plaisir à détruire de ses propres mains. On n'est plus à une contradiction prêt !

D'autres paroles, éparses reprennent la même thématique, dont le génial : « when I wake up, you best be God, or you'd better be dead » (quand je me réveille, tu ferais mieux d'être Dieu, où alors, tu ferais mieux d'être morte).

 

cupid-cover-hdMais le coeur de l'album n'est pas là : elle est dans la révolte retrouvée.

il n'est plus temps de se lamenter, il faut avancer, aller de l'avant, et très vite, c'est la volonté de haranguer les foules qui prend le dessus, comme à la grande époque. Fini le dialogues à son petit coeur. C'est à ses auditeurs qu'il s'adresse. Directement, personnellement, et avec une ironie féroce. The slave never dreams to be free, the slave only dreams to be king. Voilà une phrase qui claque, qui fait plaisir à entendre. Plus que plaisir, même ! Les fans, à qui il conseillait le plus souvent de vivre sans religion, libres de leurs pensées, ne rêvent que d'une chose, c'est de devenir leur idole, de devenir roi à la place du roi. Une situation férocement cynique, le rôle de roi n'a jamais été des plus profitables. Je vous ai déjà parlé de Game of Thrones ?

le blasphème reprend de plus belle, dans un morceau plein d'une bonne humeur retrouvée. Je le redis : ça fait du bien de trouver Manson comme ça, dans une telle forme. Les deux premières phrases de « the devil beneath my feet » sont géniales, et le reste l'est tout autant : pas besoin d'un enculé qui le regarde de haut. J'applaudis !

Dans le premier single, deep six, la rock star se voit en Narcisse, à qui Zeus (Dieu) conseille de se méfier (ou de se regarder, le terme anglais joue avec l'ambiguité). Faut-il y obéir ? Absolument pas ! D'autant que l'entité divine, dit-il dans les couplets, tente de s'introduire en lui, sans savoir que les serpents sont toujours bien vivants...

Au blasphème sont liées des références aux mythologies païennes, et particulièrement la mythologie grecque. Narcisse, Icare avec ses ailes en cire (s'agit-il des ailes de l'antichrist ? Certainement). Elles sont nombreuses, elles apparaissaient déjà dans l'album précédent, et prouvent la culture de Manson (comparé au reste de ses compatriotes).

Pour ceux qui aiment à faire des parallèles avec le monument Antichrist Superstar, le premier couplet reprend l'image de the reflecting god, à la différence prêt que maintenant Manson ne voit pas Dieu dans son reflet, mais la mort. J'ai envie d'ajouter que finalement, la faucheuse, c'est notre Dieu à tous.

Mais finalement, on peut se demander ce à quoi aboutit la révolte menée par Manson depuis ses débuts ? Que reste-t-il de cet album après écoute ?

Une ambiance de purgatoire, aurais-je envie de dire. Les sonorités sont rugueuses, âcres autant que âpres. Comme un cri au coeur d'un désert. Enfin, par désert, je devrais plus parler de purgatoire, cette plaine grise et morne. Birds of Hell awaiting en est le parfait exemple. Un refrain répété à l'infini, sur une chanson qui pourrait durer des heures entières, qui conviendrait parfaitement à ce lieu maudit. On imagine très bien, au loin, des animaux mythiques dépravés. Cupidon qui a remplacé son arc par un flingue. Nouvelle image de l'amour dangereux et mortel, des phénix remplacés par des oiseaux de l'Enfer, et des sorcières dans une danse macabre...

D'ailleurs, la deuxième chanson la plus puissante de l'album, Cupid Carries a gun a été choisie pour accompagner le générique de la série Salem, qui reprend l'histoire des fameuses sorcières.

Quoi qu'il en soit, au sortir de l'album, on a l'impression que toutes ces chansons répétitives sont engluées dans l'esprit, que la bande son du purgatoire nous brouille la vue. Ce n'est pas un hasard si deux des trois chansons qui tournent en rond sont placées à la toute fin : pour laisser à l'auditeur cette impression oppressante.

Marilyn Manson - Deep Six (Explicit)

Que dire maintenant du clip du premier single ? Dans l'album précédent, les trois clips étaient de qualité, illustraient très bien les chansons. Ici, je serais bien plus réticent. Si la musique est très bien, le clip est très bizarre, au mauvais sens du terme. Pendant tout, une femme nue se fait avaler par un lombric géant à anneaux. L'imagerie est très proche d'un clip d'électro, pas super pour Manson, qui a l'air de se demander ce qu'il fout là.

Il ne reste plus qu'à attendre les prochains clips, et surtout, son passage en France, terre dévastée par les attentats djihadistes. Je n'ai pas eu le désir d'assister à son concert au HellFest. Ma santé et mon porte-monnaie sont très fragiles, ces temps-ci. J'imagine qu'après avoir fait le tour des festival, il ira se produire dans de vraies salles avec un toit, des gradins et tout le reste. Dans ce cas, j'y serais, prêt à assister au Hell not Halleluia Tour.

Votre serviteur sera heureux de faire sa chronique à ce moment là !

En bonus : Marilyn Manson qui pose avec son papa (ou Manson dans 30 ans)

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