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L ' O N A N E U R
10 septembre 2013

Traité d'Education

En cette période bénie de rentrée scolaire, j’en arrive à me demander s’il est vraiment nécessaire que l’ensemble de la population infantile soit présent sur les bancs de l’école. Après tout, il y a fort à parier qu’une part d’entre eux n’en ont rien à foutre, l’analphabétisme étant devenu une quasi-vertu depuis l’invasion des anges de la télé-réalité.

 

traité

Bref, l’enseignement scolaire ne pourrait-il pas être réduit à une part congrue, à sa substantifique moelle ? Ne serait-il pas envisageable de résumer l’ensemble des années d’étude en une seule leçon ?

De toute manière, si je peux concevoir qu’apprendre à compter soit parfois utile pour briller en société, ce n’est pas forcément le cas pour la lecture. Car bien souvent, l’apprentissage de la lecture est considéré comme une fin en soi, alors que ce n’est qu’un début. Après avoir appris à lire, encore faut-il savoir que lire. C’est bien là tout le problème actuel.

traité3Apprendre à lire à un abruti ne fera pas de lui quelqu’un d’intelligent, mais simplement un abruti qui sait lire. Il va en profiter pour s’ingurgiter tout Lévy et la presse people, et considérera cela comme une activité hautement intellectuelle. Certains éprouveront même de la fierté, confondant le livre et le bouquin.

Le fonctionnement actuel de cet organisme d’État laisse songeur : pourquoi, par exemple, envoyer les générations de jeunes profs tenter d’endiguer l’invasion de la bêtise humaine dans les collèges et lycées de banlieue ? Comme ouverture de carrière, on aura fait mieux, mais comme forme subtile de torture, je dois reconnaître qu’il y a de l’imagination, un peu comme Prométhée qui se fait bouffer le foie tous les matins par un vautour dans les Enfers grecs, ou comme Sisyphe, obligé de pousser éternellement sa pierre au sommet d’un rocher. Inculquer la beauté de la langue de Flaubert est un combat perdu d’avance, un peu comme une interview de Nabila sur les conséquences théoriques de la physique quantique.

traité4Quoi qu’il en soit, comme l’affirmait Léodagan : « Moi, j’ai appris à lire, ben je le souhaite à personne ». Il n’avait pas tort si l’on prend en compte le niveau indigent que partagent certains écrits.

Voyez-vous, l’un des auteurs les plus brillants qu’il m’a été donné de lire, Huysmans, avait imaginé dans un récit comment simplifier le plus possible les notions inculquées par les instituteurs. Formation étant bien souvent synonyme de déformations, voici de mémoire ses propos.

Un garçon, à peine pubère rencontre un homme qui décide de le prendre sous son aile. L’homme décide de lui ouvrir les portes du Monde en lui offrant une soirée de bordel. Tous frais compris. Une fois cette première initiation achevée, il précise à l’adolescent qu’il aura le droit, toutes les deux semaines de retourner pour profiter des luxes des péripatéticiennes.

L’instructeur improvisé explique à la maquerelle, après le départ du gamin, qu’il lui paierait les prochaines visites, mais qu’au bout de quelque mois il couperait les vivres. Le môme serait obligé de se débrouiller par ses propres moyens pour récolter de l’argent, et étant issu d’une famille désargentée, il s’engagerait dans les quatre-cents coups pour avoir le droit de goûter à des plaisirs auxquels il n’aurait jamais pensé avant de les connaître.

L’innocent enfant sera devenu un vaurien. Voilà comment, en quelque mois à peine, le travail de toute une société corruptrice serait achevé. Quel gain de temps considérable !

Ceci étant posé, il m’est venu à l’esprit de faire de même, dans la mesure des moyens, bien évidemment. J’avais envie de découvrir le plaisir que cela pouvait être que d’être enseignant : la fierté de préparer l’avenir de générations entières.

Niveau fierté, on ne s’est pas foutu de ma gueule.

traité5Ma première leçon s’est passée, il n’y a pas longtemps. Dans la file d’attente d’une caisse quelconque d’un magasin qui m’avait invité à une soirée privée. Ils avaient besoin d’écouler des stocks, et j’étais l’une des seules personnes assez riches, semble-t-il, pour les y aider.

Un père lambda s’efforçait à prodiguer à son chiard une leçon de vie supposée en faire un citoyen du monde à base d’inepties : « l’argent vient avec le travail et la patience », « si tu économises assez, ton argent fera des petits, ça s’appelle des intérêts »

Je me suis senti obligé d’intervenir : j’ai confié au gamin qu’on pouvait aussi jouer au loto : on arrive à la fortune, pareil, mais en plus on n’a pas besoin de bosser. Il suffit de cocher des numéros et d’attendre.

traité6Ayant bousillé de la sorte les conseils parentaux, j’ai entendu le géniteur bafouiller des réponses qui n’avaient que peu de cohérences, et je me suis imaginé l’enfant qui serait obligé de grandir sur ces deux bases d’enseignement en apparence contradictoires. Jusqu’au jour où il réalise qui avait vraiment raison.

Je venais de créer un flemmard de plus. La mauvaise herbe était plantée, voilà qui ferait un concurrent en moins dans mon accession aux plus hautes sphères pendant qu’il s’échinera à claquer bêtement son argent dans des jeux de hasard funestes. Voilà un homme qui ne me ferait pas d’ombre.

 

traité 2

 

 

 

 

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