Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L ' O N A N E U R
2 avril 2013

dans la rue

C'était la nuit, peu de monde dans la rue, je rentrais chez moi. Quelque pèlerins attendaient l'ouverture de la boîte de nuit du coin, mais rien de plus. J'étais tranquille, j'aime la nuit, j'aime marcher, voir mon ombre s'étirer au fur et à mesure des lampadaires.

Plus qu'une vingtaine de mètres, je te vois. Soudain, ma mine réjouie de cette randonnée urbaine s'assombrit, comme si la lumière artificielle avait diminué de force. Je te reconnais tout de suite, même de dos, je pourrais te reconnaître. Je reconnais la forme de ton crâne, tes épaules un peu voûtées.


Mais je garde le rythme de ma marche, je t'aurais vite dépassé. Je pourrais reprendre mon souffle.

« Excuse moi, t'as pas des feuilles? »

Tu ne m'as pas reconnu.

« J'ai rien! »

Tu m'as reconnu. Mon ton est la première agression. J'aurais pu faire mine de ne rien entendre, tracer ma route, peut-être que tu ne m'aurais pas reconnu, et tu serais resté avec ton envie de fumer. Peut-être est-ce que ça n'aurait pas pu marcher, peut-être est-ce que, quoi que je fasse, tu aurais reconnu mon identité, ça fait quoi ? 10 ans ? Peut-être un peu moins. Moi, en tout cas, je te connais. Je ne sais plus quel rôle tu as joué, mais je sais que tu en a joué un, et donc, je te hais, mais ne t'en fais pas, je hais tout le monde parce que vous m'avez haï.

 

J'aurais pu dire qu'il y avait erreur sur la personne, mais il n'y aurait pas cru. Je suis rentré chez moi, avec la tentation d'arracher mon nom de ma boîte aux lettres. Par sécurité, seulement.

Non, il y avait bien mieux à faire :

« J'ai rien! »

Je continue, tu cries que tu me reconnais, tu me connais, enfin, me connaissais, je ne suis plus celui-là.

Je me retourne, te fais face. Un large sourire se dessine sur mon visage, la rue est déserte, et comme par chance, le lampadaire sous lequel nous nous trouvons est mort. Pourtant, devant toi, deux étoiles mortes brillent. Deux petites naines vives, elles te fixent. Tu t'arrêtes à ton tour. Les pupilles dilatées pour s'accommoder à l'obscurité.

« Et qui suis-je ? »

blessure

Tu dis mon nom. Mon sourire s'étire. C'était mon nom, le nom que tu utilisais, mais je ne me suis jamais appelé ainsi. Je n'ai jamais employé le nom de la honte, et, vois-tu, aujourd'hui, j'ai changé. Pour faire simple, le garçon qui te craignais deviendra d'ici à très bientôt l'homme que tu crains, pour reprendre la chanson. Mais tu ne connais pas cette chanson non plus. Il faudrait te cultiver!

Je me suis rapproché, les bras écartés comme si je rencontrais un ancien ami. Après tout, quelle différence peut-on faire entre un ami et un ennemi quand on n'a jamais connu que l'un des deux ? Haute question philosophique, je ne prendrais pas la peine de te la poser puisqu'après tout, si moi j'ai changé depuis le temps, toi, tu es resté le même.

Ma main derrière ta nuque, toujours amicale (devrais-je dire ennemicale ?) et ferme. Le mur est si proche de ton arcade, elle se met déjà à saigner. Tu tombe, il me reste à te transporter chez-moi. Tu aurais connu ma demeure, de toute manière. Viens, on va se rappeler les bon souvenirs.

J'ai cru entendre qu'il n'était pas conseillé de vérifier la chaleur d'une plaque électrique avec la main, mais comme un con, je n'ai jamais eu l'occasion de vérifier cette assertion. Ta présence est une bonne chose.

Avec amour, j'essuie le sang qui coule de ton front, mon ami. Il s'agit d'être présentable quand on est invité!

Les deux plaques sont allumées, il ne me reste plus qu'à m'adonner à ma petite expérience. Les deux mains en même temps, ce serait mieux, d'ailleurs.

Déjà réveillé ? Tu dois avoir le sommeil léger. Tu rêves de moi parfois ? Comment suis-je ? A mon avantage, j'espère. Il m'est arrivé, moi, de penser à toi, mais curieusement, si par le passé, c'était toi qui étais à ton avantage, aujourd'hui, je suis dans mes rêves au meilleur de ma forme. Sans doutes à tes dépends. D'ailleurs, ais-je vraiment rêvé de toi ? Ou des autres ? Je ne sais pas très bien. Vous étiez tellement nombreux, je vous confonds de plus en plus, comme une unique personnalité qui aurait plusieurs visages.

En parlant de visage, tu te souviens du sourire narquois que tu prenais ? Je vais te le redessiner, si tu veux. J'ai une lame qui coûte bien. Un sourire d'ange pour ta gueule d'ange. Par contre, je ne sais plus jusqu'où il remontait, ce sourire. Tu ne m'en voudras pas si je vais jusqu'au bout.

blessure2

Un autre souvenir me viens. Tu étais sourd, sourd à ce que je pouvais bien éprouver. Un handicap très gênant, n'est-ce pas ? Je me demande si tu peux seulement écouter de la musique. Peut-être si je monte un peu le volume, qu'en dis-tu ? Au plus proche des tympans pour être certain que tu entendes bien. Ne te débats pas, il faut que je te fasse entendre l'ensemble de la production musicale du moment.

Tu ne peux plus m'entendre, mais tu peux toujours lire sur mes lèvres, donc tout ce dispositif ne te gêneras pas. Par contre, ton sourire n'a pas l'air de te plaire, tu es en train de saloper mon carrelage. J'aurais du cautériser, mais c'est trop tard. J'ai déjà inventé d'autres jeux pour nous rappeler du bon vieux temps.

Je ne me suis jamais ennuyé avec toi, tu ne t'ennuieras pas avec moi. Tu sais, parfois, j'utilise des livres de la bibliothèque pour caler ma grosse et lourde armoire. Malheureusement, ils avaient du retard, et j'ai du les rendre. Tu imagines bien à quel point je suis troublé par cette situation. Ne t'en fais pas, je crois que tes mains ont un peu souffert, mais il te reste des pieds. Tu pourras m'aider avec cette armoire. Heureusement que tu étais là au bon moment, mon ennemi.

Je l'ai peut-être laissée tomber brutalement, mais en tout cas, maintenant, elle n'est plus bancale, et c'est très bien!

blessfaux-pansement-et-clou-qui

Puisque j'en suis dans les expériences, j'ai toujours entendu que mettre la tête dans un sac plastique n'était pas recommandé. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi, mais peut-être est-ce que tu pourras m'expliquer, d'autant que de cette manière, ce qui coule de ton sourire ne laisseras plus d'immonde flaque sur mon parquet. J'ai toujours eu un sens pratique détonnant, tu ne trouves pas ? Bon, allez, je ne suis pas chien, je vais mettre un sac plastique transparent, tu pourras voir la suite de nos plaisanteries.

Il fait chaud, tu ne trouves pas ? Il fait toujours trop chaud quand on s'amuse, on a bien besoin de prendre un bain bien frais. Justement, j'ai rempli la baignoire exprès. Je n'ai pas touché au robinet d'arrivée d'eau chaude, et j'ai même ajouté tout les glaçons que mon congélateur pouvait me fournir. Il te suffit de plonger dedans, et de laisser la température s'emparer de tes veines, de tes artères. Puis ton aorte et ton coeur.

Regarde, c'est comme si on jouait à titanic, sauf que moi, quand DiCaprio meurt, je n'ai jamais eu envie de pleurer. Tu l'imagines saisi par la glace ? Ses membres qui se rigidifient, ses muscles qui se tétanisent, et deviennent douloureux ? Il paraît qu'en deçà d'une certaine température, le froid en vient à brûler la chair. Mais nous ne descendrons par aussi bas, quoi que transformer cette eau en un immense bloc de glace pourrait être amusant. Tu tiendrais combien de temps là-dedans ?

J'ai aussi vu dans mes enquêtes un types d'amusement des plus exquis. Des plus simples. Il me suffit pour cela d'une serviette trempée, et d'un pommeau de douche. Tu me crois si tu veux, mais grâce à ça, je peux te donner l'impression que tu te noies. Mieux : on peut y croire si fort que l'on meure. Il faudrait tester pour en avoir le coeur net, tu ne trouves pas ?

Publicité
Publicité
Commentaires
L ' O N A N E U R
Publicité
Newsletter
L ' O N A N E U R
Visiteurs
Depuis la création 127 248
Publicité