adoucir les moeurs

8 octobre 2012

L'autre jour, comme tout les jours, j'étais dans le bus, en direction d'un lieu que les règles les plus élémentaires d'anonymat m'empêchent de signaler dans ces lignes. Je n'ai en effet pas très envie qu'une horde d'admiratrices et surtout d'admirateurs se rue vers moi et me suive à chacun de mes pas. Je suis de nature farouchement modeste, et je n'apprécie par conséquent la célébrité que quand elle m'apporte de l'argent.

Bref, sur cette ligne de bus, une belle bande de crétins a eu la bonne idée de monter quelques arrêts après moi. Déjà, à ce moment, j'ai senti un coup de sang monter : je déteste quand d'autres personnes que moi prennent mon transport en commun (tout comme je déteste que des voitures osent se mettre sur le passage du bus pour le ralentir).

De nature peu primesautière, j'ai tenté de garder mon sang froid. Pendant que je contenais mes nerfs, eux s'appliquaient à étaler leurs godasses sur les sièges, et surtout à ajuster le son de leurs téléphones portables, pour écouter des chanteurs aux cheveux rasés affirmer qu'ils sont les plus forts dans leur catégorie, qu'ils ont plein d'argent, qu'ils ont envie de s'amuser avec une chienne (la zoophilie, une activité ludique), et que la vie en banlieue, c'est pas très jojo.

Bref, des propos qu'un esthète comme moi a du mal à supporter, alors qu’eux semblaient apprécier, puisqu'ils prenaient plaisir à finir une phrase sur deux en même temps que leurs idoles rappeuses.

La musique adoucit les nerfs, dit-on. Sauf que ce que j'aime dans la musique, c'est son esprit créatif, sa capacité à vous transporter dans des univers inexistants. Le rap, à l'inverse, ne se contente que de parler d'argent facile durement gagné à force de braquages et de proxénétisme, et du quotidien difficile des habitants des quartiers cosmopolites.

Rien qui puisse adoucir les moeurs, au final. Du coup, un grave choix s'est imposé à moi. Un dilemme cornélien. Me retourner pour adoucir les moeurs de ces malotrus en leur disant de fermer leurs gueules, ou subir. Etre ou non un vieux con ?

Ne reculant devant rien pour passer pour une personne réac' et aigrie, je me retourne.

-Tu peux mettre des écouteurs ?

-J'en ai pas. (traduction approximative de « Jen è'â »)

-C'est quand même pratique, et ça coûte pas cher.

La méthode du vieux con a parfois quelques avantages, puisque juste après, j'ai eu très peur de me faire moi-même adoucir les mœurs par ces lascars en uniforme informes adidas.

Et en plus, ils ne m'ont pas obéi les enfoirés! J'ai donc résolu le dilemme en poussant un coup de gueule, ET en subissant ensuite, tout en regrettant amèrement que le système fiscal français ne prévoie pas d'importantes réductions pour qui pratiquerait l'émasculation.

Quel malheur ! Puis, je me suis demandé comment ils auraient réagi si par le plus grand des hasard, j'avais décidé de sonoriser le bus avec le plus grand ennemi du rap, le rock, ou mieux, avec la musique qui est régulièrement conchiée par des jeunes ignorants et stupides, la musique classique.

Mais pourquoi n'ais-je pas pensé plus tôt à apporter mes enceintes pour passer en revue Beethoven, Wagner, Strauss... ?