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L ' O N A N E U R
7 octobre 2012

plomberie estivale

Le matin, certainement comme un certain nombre de mes congénères (à mon plus grand désespoir), j'aime me réveiller au rythme entraînant des images saccadées des clips vidéo. Histoire de m'habituer à la journée trépidante qui se déroulera dans mon cerveau, entre flash-backs, retours en avant, coq-à-l'âne et idées géniales, bref, tout ce que peut produire mon esprit syncopé en 18 heures d'éveil. Et sans doutes aussi pour me remettre des projections épileptiques de mes rêves et cauchemars.

 

Bref, j'aime commencer avec le bol de d'osties consacrées recouvertes de miel, et baignées dans du lait froid en regardant des clips à la télé. Enfin... dire que j'aime les clips diffusés à la télé serait un peu mentir. Parce qu'il faut voir ce qu'on nous vent comme clip à la télé.

 

J'en arrive à me demander vite qui peut bien être le responsable de cette gabegie : le chanteur qui n'a aucune idée de ce que sa chanson veut dire, et donc de comment il pourra l'illustrer ; le réalisateur, trop content de ne pas pointer au chômage, vu qu'il sait pertinemment que son manque de talent risque de lui ouvrir la voie de la morgue (en tant que cadavre, et non d'agent d'entretien) ; les maisons de disque qui se disent que déjà les pochettes d'album puent la crotte, alors ce serait les dénaturer que de produire des clips qui puissent ressembler à quelque chose ; les directeurs de programmation des chaînes qui parient plus sur la lobotomie de leurs téléspectateurs que sur le fait qu'ils arrivent à lire une période proustienne ; ou les téléspectateurs, tellement passifs qu'ils n'arrivent plus à se taquiner le hanneton sans avoir devant leurs yeux des vidéos d'une lourdeur explicite, aussi pauvres en perversions qu'en mise en scène.

 

Du coup, on est foutus. Le monde est déprimant, et le suicide n'est même plus la solution, car j'ai bien peur que la paradis soit lui-même encombré de ces saloperies stroboscopiques.

 

Par où commencer ? Les tubes de l'été, peut-être. Autant d'éloges au cancer de la peau et à la pornographie sans imagination. Là, le mimélastos est de rigueur (si vous n'avez pas la moindre idée de ce dont il peut s'agir, interrogez Desproges, il saura vous satisfaire). Visages crispés sur un rictus de bonheur, maillots de bains flashys pour qu'ils puissent ressortir un minimum face aux couleurs ultrasaturées du ciel toujours bleu-sable toujours jaune. Des femmes sans honneur, qu'il serait désobligeant pour les putes de traiter de putes exhibent leurs formes pendantes, et surtout pas bandantes, cuites par des UV a et b nocifs, un peu comme le serait un kébab qui tourne depuis trop longtemps sur sa broche sans avoir été gratté.
 

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Le cherche, d'ailleurs qui est le premier animal qui a inventé le clip de l'été. Qui a eu cette idée géniale ? Qui s'est dit un jour : « Hé, les gars, vous trouvez pas qu'on se fait chier sur la plage ? Il y a trop de monde, des gamins qui chialent, des filles prêtes à vendre leur corps pour un petit étalage de crème solaire, des mecs dont on se demande pas si ce sont des eunuques, au regard de leur propension à exposer leurs attributs de masculinité (muscles, grosses voitures, patates dans le slip et j'en passe) ! Du coup, j'ai une idée révolutionnaire : on va montrer au gens qui ont la bénédiction des Dieux païens de jadis en n'étant pas présent qu'ils auraient du venir pour profiter de cette ambiance de merde! ».

 

Du coup, non sans sadisme, ses collègues ont acquiescé (sauf le batteur qui n'a pas entendu, puisqu'il vomissait sa téquila de la veille), mais tout le monde sait que dans un groupe, le batteur ne sert à rien. Trouvant que c'était cool de mater ce genre de clips les yeux fermés, d'autres groupes ont pris le train en marche, et c'est parti mon kiki! Tout le monde fait pareil, et pas besoin d'écrire un script, puisque le premier est en téléchargement gratuit sur le net.

 

Evidemment, le clip de plage n'est pas le seul des clips passionnants, il y a aussi celui ou un nombre bien trop important de chanteurs qui n'ont rien à voir se retrouvent pour se murger tous ensembles, et qui décident d'écrire ensemble une chanson au premier vomi de la soirée, ou mieux, pendant le lendemain de fête, ou ils ont la gueule dans le bois, et qu'il faut tout nettoyer.

 

Très déprimés, comme on peut l'être face au nettoyage de confettis mouillés de vodka, ils se disent qu'il faut écrire une chanson sur la misère dans le monde, pour inciter les ménagères de donner un minimum de fric, quitte à bousiller son PEL. Ces chanteurs, il faut pas leur en vouloir, ils sont fatigués d'avoir trop fait la fête, et ils ont oublié qu'ils touchent quand même un sacré paquet de pognon qu'ils pourraient donner aux clochards qui sont étalés sur les trottoirs comme des merdes puantes qu'ils sont. Faut dire que les vitres teintées des limousines obstruent un peu la vue sur les réalités du monde.
 

3109483943_2_9_d3GK8amRDu coup, ils font rimer misère et colère, et c'est parti pour trois minutes de larmoyantes complaintes, d'une générosité sans contre-partie (jamais ils ne demanderont aux petits faméliques dont les yeux sont recouverts de mouches, le ventre gonflé comme s'ils portaient déjà le cadavre de foetus encore plus malnutrits qu'eux de chanter des chansons pour plaindre les petits riches). Le coeur sur la main, ils ne prennent pas le temps d'appeler des réalisateurs de clips, ils se contentent de faire deux-trois prises de webcam pendant qu'ils sont en studio, et pour le reste, ils achètent à prix réduit des images du JT de TF1.

 

Conséquence de quoi, les gens qui bouffent leur petit-déjeuner sont dégoûtés de voir tout ces pauvres qui meurent, ils ont l'appétit coupé, et sont obligés de foutre à la jaille les restes conséquents de leurs repas. Tans pis pour le gaspillage, ils avaient qu'à pas montrer de cadavres à l'écran.
 

3109483943_2_7_iX9UVDGbHeureusement que la bonne humeur revient vite avec une flopée de clips pour lesquels l'unique recherche artistique consiste à trouver un endroit un peu dégagé, qui n'a d'insolite que le nom, et d'y danser. Fiou, comme c'est crevant! Je me demande parfois pourquoi je me fais chier à bosser depuis 8 ans sur le même bouquin. On aura donc le droit à une chanteuse qui a l'idée trop originale de danser dans une salle de danse, un autre qui se dit que ce serait cool de bloquer un carrefour de Saint-Etienne (il n'a pas assez de sous pour Paris), et un troisième, qui est trop un rebelle, va sur le toit d'un immeuble, ce qui a pour faculté de créer beaucoup de faux espoirs aux téléspectateurs qui espèrent au moins un suicide en règle, après tout, l'humanité a besoin d'être débarrassée de ses mauvaise herbes de temps en temps.

 

Tant pis, pas pour cette fois.

 

3109483943_2_3_9y70gBWEJe ne parle pas, bien sûr, des clips tournés sur des décors trop bien recherchés qui peuvent être noirs ou blancs unis, dans lesquels, pour faire croire qu'on a bossé plus de 5 minutes, on ajoute des paillettes en image de synthèse qui suivent (Oh miracle!) les gestes des chanteurs. Doux mélange entre l'utilisation de cocaïne et de champignons, qui fait tout de suite comprendre les flash de couleur, les éclairs, le chanteur qui tient pas en place, et les surimpression style pop-up sur l'écran. J'ai toujours considéré que la drogue pouvait faire des merveilles quand elle est utilisée à bon escient, c'est à dire partout sauf dans un clip MTV.
 

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Pour revenir aux tubes de l'été, qui sont à la musique ce que la rentrée littéraire est à la littérature : beaucoup de papier gaspillé pour tomber sur une phrase un minimum émotionnelle, il me faut évoquer les tubes du reste de l'année. Il est vrai qu'on peut pas faire chier les auditeurs en leur parlant de plage à longueur d'année, ils risquent de s'apercevoir qu'on les prend pour des abrutis. Du coup, quand c'est pas l'été, on reprend la même équipe, les mêmes plans, le même réalisateur, le même monteur, les mêmes mélodies, sauf qu'au lieu de filmer sur une plage, on filme dans une boîte de nuit. Les intentions sont les mêmes : montrer combien on peut se faire chier en discothèque entre les kékés qui se font des fractures ouvertes du pénis à danser trop près des nana au visage gouaché pour camoufler vainement les points noirs trop nombreux.



Quoi que vous fassiez, vous n'y échapperez pas!

 

(première publication : 20/8/2012)

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