pro-faner

De temps en temps, dans la presse locale, et plus rarement dans la presse nationale, il arrive que pour divertir les lecteurs, les journalistes impriment dans leurs pages des affaire de jeunes gens qui détériorent des cimetières entiers.

Bien souvent (comme c'est le cas dans toutes les affaires criminelles), il s'agit de personnes réservées, sans problèmes avec leur voisinage, du moins, c'est ce que les voisins terrorisés de se voir à leur tour profanés affirment dans l'entrebâillement de leur porte d'entrée, laissant à peine la place au micro d'entrer.

Car, en effet, il s'agit bien de ces nombreuses affaires de profanation de cimetière. La victime de ces actes de barbarie est le plus souvent morte, quant aux coupables, il s'agit de terrifiants adolescents acnéiques qui n'ont trouvé d'autre solution pour cacher leurs pustules que de farder leur visage, de noircir leurs yeux et de laisser pousser des cheveux bien gras. Ils portent des vêtements noirs terrifiants, et sont bardés de pointes en hommage à leurs idoles braillant sur des sons de batterie saturées.

Désoeuvrés dans leurs villages de pecnot qui n'est même pas muni d'un bar gothique, ils s'en vont profaner le cimetière. Leur désir d'amusement est, entre nous, bien légitime. Mieux vaut tuer des morts véritables que de massacrer des morts-vivants virtuels qui n'ont rien fait du tout.

Donc, il y a massacre de tombe, et, ais-je envie de dire, que se passe-t-il après? Somme toute, il ne s'agit que de dalles posées sur de la viande pourrie. Des pierres avec des gravures pleines de bon sentiments hypocrites qui s'adressent à des personnes qui n'en ont plus grand chose à cirer. Des truc en soit assez inutiles, en somme.

Du coup, une question des plus légitimes me vient à l'esprit. Si l'on considère que la profanation de cimetières n'est que de la profanation de cailloux mal taillés posés sur de la viande qui ne se plaindra assurément pas, les réactions des villageois émus m'étonne beaucoup.

Pourquoi accorder une telle importance à des habitations si on est certain que leurs habitants ne contacteront pas immédiatement leur avocat? Il y a quelque chose d'illogique, dans une société qui se dit athée, agnostique, ou du moins laïque, l'importance donnée à des dépouilles est des plus déplacée. Par quelle logique peut-on décemment s'abstenir d'aller à l'église tout les dimanches, mais du même coup, pleurer

Notre société s'est appliquée minutieusement à détruire tout les repères religieux, mais garde autour de la mort un tabou des plus suspects. On veut bien laisser nos anciens agoniser dans des maisons de retraites en croisant les doigts pour que l'héritage tombe au plus vite. Mais une fois mort, interdiction absolue de toucher aux bouts de viandes enfermés dans des coffres.

Pire, on prend plaisir à voir des archéologies piller les trésors des anciens rois d'Egypte, mais il est interdit de faire pipi sur les fleurs des cimetières, ne serait-ce que pour les arroser. Je pense que si j'arrivais avec un bouquet de chrysanthèmes fanées laissées à l'abandon par feu mon grand-père dans un musée en demandant de les ranger parmi la collection permanente, j'aurais plus de problèmes que si je ramenais des colliers et bracelets d'un roi Aztèque, alors qu'au final, il s'agit de la même chose. Des objets négligemment laissés par des vivants pour faire croire à des morts qui s'en branlent qu'ils pensent à eux.

(première publication : 5/7/2012)