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L ' O N A N E U R
10 septembre 2012

Né mauvais

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Alexandro Jodorowsky, qui est à ses heures perdues réalisateur de cinéma, scénariste de BD, poète, psychomagicien, tarologue et bien d'autres, a analysé le personnage de Marilyn Manson de cette manière. Tout comme le rockeur aime à se présenter, il serait l'antichrist, l'inverse du christ : alors que Jésus fut un homme devenu dieu à sa mort, Marilyn Manson était un Dieu adulé par ses fans, qui est devenu homme. Le mouvement est inverse, d'où la figure de l'antichrist.
 
Sauf qu'il y a un problème pour quelqu'un qui a été un tel dieu vivant. Une scission entre la nature humaine et celle de Dieu. l'humain ne peut comprendre l'essence du divin, il se trouve perdu, condamné à chercher en vain la définition de cet état de grâce, pour peut-être la retrouver. Le retour à la réalité est difficile, et Marilyn Manson, depuis maintenant 3 albums, se cherche, sans plus se trouver.
 
 

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3088835083_2_15_qwqjR8eXDe manière bien plus manifeste que les précédents, l'album nouvellement sorti, Born Villain se penche sérieusement sur la question. La plupart des albums de Marilyn Manson a une structure facilement décelable, une narration interne (j'en ai déjà longuement parlé ici , ici et ici). Ici, il n'y en a pas, je n'y ai entendu qu'une succession de chansons avec pour seul lien un même sujet. Très vite, dès la première écoute, je me suis senti perdu.



Pour dire vrai, l'auditeur assiste à un dialogue incessant entre Brian Warner, et son avatar, Marilyn Manson. Un dialogue, ou il n'a peut-être pas sa place. Un dialogue, ou plus exactement des imprécations de l'un abandonné par l'autre, qui n'était que son masque face à la foule. Le masque est tombé, laissant un homme nu au milieu du monde, ne comprenant pas ce qui lui arrive vraiment. Un peu comme dans le fameux cauchemar que nous avons tous fait, où l'on se retrouve sans rien sur les épaules.
 

3088835083_2_5_x41YL7h6L'album est donc doublement obscur, mais il ne s'agit pas ici d'une obscurité fascinante, de laquelle peuvent jaillir les fantasmes les plus beaux. Non, c'est une obscurité dérangeante, malsaine, un peu comme l'obscurité qui noie les star de la téléréalité après leur suicide.

 

 

D'où mon trouble, d'où mon impression de marcher dans une pièce sans lumière, avec la crainte de me cogner le pied contre un meuble. Il n'y a pas de réponse, nulle part dans l'album. Sans doutes parce que Manson n'a pas de réponse sur ce qui lui est arrivé. Pour arranger le tout, le package du CD est d'une pauvreté incroyable. Ni paroles, ni livret dans l'emballage. Juste du noir, et deux visages noir et blanc du chanteur, rappelant cruellement le brillant et chaotique golden age of grotesque. Rien d'autre, à part les mentions légales. La plus grande obscurité, ici encore.

 

 
 
 
Passons maintenant aux morceaux en eux mêmes. A quoi ressemblent-ils? Dans de nombreuses interview, Manson a parlé d'une volonté de retour aux sources, ce qui se retrouve un peu, mais pas tant que ça. Certaines intros font penser à des sonorités entendues dans son premier album. La première chanson de Born Villain, Hey cruel world, harangue un monde qui ne veut plus de lui, rappelant sa propre destinée hors du commun, ce qui est à rapprocher d'une chanson comme dogma du premier album, où il crie vouloir prendre son destin en mains.


D'autres chansons évoquent d'autres albums, comme slo-mo-tion qui semble être extraite du grandiose golden age of grotesque, album entièrement axé sur le cabaret des années 30, la fête obligatoire pour oublier la fin du monde, mais ici, la fête est devenue putride, suppurante, mortifère, les convives ne sont que des cadavres qui dansent au ralenti. Bienvenu dans l'ambiance glauque.
 

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Ce qui m'as toujours fasciné chez Marilyn Manson, c'est sa capacité à créer des personnages forts pour chacun de ses albums, des personnages qui allégoriques, censés représenter ses pensées, ses sentiments. Des personnages sûrs d'eux malgré ce qu'ils traversaient, car ils avaient toujours un regard ironique sur la situation. Le tout puissant antichrist, qui a fait si mal comprendre ce qu'était Manson, n'était que l'incarnation de sa montée en puissance, avec cependant une réflexion sur la vanité de la célébrité. Le dandy du golden age était encore plus satirique, car il se vautrait dans le show-bizz tout en le critiquant ouvertement.
 
Il y avait une dichotomie entre le désir imparable d'accéder au sommet des charts, et la conscience profonde de ce que cela représente vraiment. Dichotomie présente dans le nom même de Marilyn Manson.
 

3088835083_2_11_vcUbiN30Quel est sont état d'esprit, actuellement? Les temps ont passé, et l'ennemi public numéro 1 n'est plus qu'un hasbeen essoufflé qui effraye autant qu'un épouvantail effraye les oiseaux. Après avoir joui de la notoriété, après avoir été soulevé comme un ange, le voilà devenu une pute bon marché, déchiré, lâché par sa maison de disque, ses fans.

Pour moi, Born villain était une promesse de voir un Manson revenir au top, retrouver sa combativité. Au lieu de ça, il semble avoir baissé les bras (c'est le nom d'une de ses chansons, d'ailleurs), il s'est résigné, et par conséquent a perdu aussi son ironie mordante. Il ne fait plus que tourner en rond sans plus savoir ou aller (ce qui est évoqué dans une autre chanson).

 
Plus de recul, ni de réflexion profonde sur ce qu'il est devenu. Sans aucune pugnacité, mais avec beaucoup nostalgie. Au final, le mécanisme de la célébrité, et surtout de la perte de notoriété n'est pas compris, peut-être est-ce parce qu'il s'en trouve victime. Il n'a pas le recul, ni l'envie d'y faire face, alors il y a comme une complaisance à cet état de fait.
 

 

 C'est ce que je n'aime pas dans cet album. Certes, il y a des musiques accrocheuses, certains refrains sont des traits de génie, mais dans l'ensemble, il n'y a qu'un violent désespoir qui frappe les auditeurs, qui laisse une impression désagréable : Marilyn Manson serait mort, tué par son ambition et ce qu'il visait.

 

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(première publication : 8/5/2012)
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