Ash nazg

30 juillet 2012

Il y a pas mal de temps, sur ce blog, j'avais fait un topo sur le nom que j'avais choisi. Gollum. Un être qui allie les contraires, à l'esprit corrompu par la possession du plus beau trésor de tout les temps, ainsi que par les innombrables années d'immortalité. Une sorte de cadavre ambulant, chétif et schizophrène.

Dans mon manichéisme exacerbé, j'avais dit que j'aimais bien cette ambivalence, le chanteur que j'écoute le plus, Charles Monroe, cultive aussi à l'extrême cette bipolarité qui réside en chacun de nous. Sa discographie est à son image : « animaux mécaniques », « l'âge d'or du grotesque », « le point culminant de la chute »...

Depuis que j'avais adopté ce nom de Gollum, je me promenais constamment un anneau autour du cou, l'anneau de pouvoir qui avait tant détruit cet être. Je ne sortais pas sans, jamais, et il m'est même arrivé d'éprouver un certain malaise lorsque je ne le trouvais plus. Je l'avais dans la peau.

Centre de l'histoire du Seigneur des Anneaux, personnage central, l'Anneau Unique est la source de toutes les convoitises. Perdu par son joailler maléfique, il n'aspire qu'à retourner entre ses mains pour qu'enfin, le mal se répande sur la Terre du Milieu.

Cet anneau, justement, comporte des inscriptions qui ne peuvent être révélées qu'en présence de flammes. Une série de phrases qui sont la preuve de la volonté de puissance de leur créateur :

Un Anneau pour les gouverner tous
Un Anneau pour les trouver
Un Anneau pour les amener tous
Et dans les ténèbres, les lier

Quatre vers terribles, lourd de sens, mais qui acquièrent d'autant plus lorsqu'ils sont écrits dans la langue du Mordor, mais en alphabet elfique. L'alliance, encore une fois, du bien et du mal. Les elfes sont des êtres infiniment sages et bons, tandis que le Mordor est le berceau de tout ce qui va mal dans le monde.

Dichotomie parfaite entre le fond et la forme: Des tracés tout en finesse et arabesques, éminemment poétique, mais utilisés dans une langue gutturale et cauchemardesque que les personnages redoutent de prononcer :

Ash nazg durbatulûk
Ash nazg gimpatul
Ash nazg thrakatulûk
Agh bruzum-ishi krimpatul

Une telle alliance est si riche de sens que je ne pouvais pas laisser passer. Jamais le fond et la forme n'ont été si opposés, jamais la réunion de ces opposés n'aura donné autant de sens, ce qui me ramène à une phrase entendue dans un film :

« L'aime tout particulièrement les jurons français, c'est un peu comme se torcher le cul avec de la soie »

Aussi, ais-je décidé de me torcher le cul avec de la soie elfique.

Voyez-vous, lorsqu'arrive la première paye, une lourde question se pose : que faire de cette manne financière qui soudain surgit d'on ne sait où? Certains se payent leurs premières vacances, d'autres vont chez Auchan (d'ailleurs, qu'avez-vous fait de votre première paye?). J'ai décidé, moi, d'inscrire sur ma peau ces phrases, de ne plus être vierge, jamais.

Je suis donc allé chez le tatoueur pour lui demander d'inscrire pour l'éternité cette phrase hautement symbolique.

J'ai toujours voulu marquer ma peau à vie, sans jamais véritablement aller jusqu'au bout, voilà qui est fait. Pour ceux qui poseront la question de la douleur, étant consentie, elle n'est pas insupportable. Ca ressemble à une série très rapide de piqures, accompagnées d'un bourdonnement de gros insecte. Pour moi, le travail dura près de deux heures. Les deux premiers jours, le bras reste endoloris, mais ça passe vite, et la souvenir de la douleur s'efface à tel point qu'il nous vient en l'idée d'en faire un deuxième pour se rappeler comment ça fait. Je ne l'exclue pas, mais je ne le ferais qu'à des périodes charnières de ma vie. Charnières comme celle que je viens de passer.

Il m'arrive très rarement de parler ainsi de moi, et encore moins de montrer des photos de moi, mais je crois que pour cette fois, je vais faire une exception.