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L ' O N A N E U R
4 juillet 2012

la trilogie Phénix

Chez certains auteurs, le premier roman publié fait office, le plus souvent inconsciemment, d'oeuvre programmatique. L'intégralité de leur carrière s'y concentre, de même que tout ce qu'ils diront au fil de leurs écrits. Tout se passe comme si ce premier ouvrage tentait d'exprimer l'intégralité de la pensée, et des thèmes chers à l'écrivain. C'est le cas de l'auteur Bernard Simonay, qui publia son premier roman, phénix, en 1986. Un livre qui avoisine le millier de pages, et fait preuve d'une densité narrative peu commune.

 

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Primé par les prix littéraires Cosmos 2000, et Julia Verlanger, le premier roman fut un succès, ce qui incita Simonay à développer son univers sur deux autres livres, Graal, et la malédiction de la Licorne, qui forment une trilogie cohérente. Quinze ans plus tard, il publie un quatrième tome, La vallée des neuf cités, nommé aussi le roman de Làkhor, qui retrace les origines du monde de phénix.

 

Le 24 juin 2484

 

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Peu à peu, au fil des parutions, le puzzle se complète, mais il manque encore la pièce centrale de l'univers, appelé de manière énigmatique le jour du Soleil. Le point de départ de ce monde futuriste, autour duquel les quatre romans tournent. Il se situe précisément le 24 juin 2484.

 

Que se passa-t-il à cette date? Seul Bernard Simonay le sait, nous ne pouvons pour l'instant qu'en voir les conséquences:

 

Imaginez notre société, qui continue à évoluer, à s'enrichir en technologie, le premier vaisseau interstellaire construit en 2097, puis des cargos lancés vers Alpha du Centaure, tandis que la concentration urbaine, et la surpopulation commence à étouffer la planète. Vient l'année 2484. Un cataclysme, la fin d'un monde, l'humanité pratiquement anéanti, des mutants dégénérés, un millénaire de barbarie, durant lequel l'homme oublie de son glorieux passé.

 

Jusqu'à ce qu'enfin, une étincelle perce à travers la nuit, une étincelle qui s'enracine, la lumière de la connaissance qui renaît, gardée par la religion amanite.

 

Une société féodale se construit avec l'aide des nouveaux prêtres, et s'étend sur la planète, avec toujours en ligne de mire la liberté de penser des peuples. La religion amanite ne veut jamais s'imposer, mais plutôt proposer son aide aux sociétés tribales à évoluer vers plus de civilisation, et vers le réseau planétaire.

 

Grâce à l'aide des chevaliers, seuls hommes dotés d'un pouvoir mental supérieur, et capables de monter les lionorses (croisement entre des chevaux et des félins, dotés du même pouvoir cérébral). Les chevaliers sont les bras armés des amanites, et les deux groupes travaillent de concert pour imprégner le monde de la nouvelle sagesse.

 

C'est un nouveau Moyen-Âge qu'il s'installe progressivement sur la planète entière, malgré quelque accrocs, quelque débats internes qui menacèrent de rompre l'équilibre si durement acquis.

 

 

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Un nouveau Moyen-Âge

 

 

Comme toute oeuvre post-apocalyptique qui se respecte, les romans de Simonay dépeignent un univers dévasté, avec en arrière plan l'éternelle question de l'avenir de notre planète. Malgré la catastrophe, la vie reprend le dessus, et s'adapte. L'humanité n'est pas totalement détruite, les forts survivent et évoluent, quand les faibles sont à plus ou moins long terme condamnés.

 

Le rapprochement avec la chute de l'Empire Romain est d'ailleurs évidente. Une grande civilisation riche mais décadente s'effondre sous une cataclysme. Mais son savoir est sauvegardé par des religieux, pour refonder une société forte. Pour ce faire, ils ont mis en place les nobles, sous une hiérarchie extrêmement définie, allant du simple chevalier à l'empereur. Cette répartition du pouvoir est pratiquement la même entre Phénix, et notre passé féodal.

 

Pour continuer la comparaison, l'une des problématiques du premier roman de Bernard Simonay est très proche de la Renaissance que nous avons connu en Europe. Le savoir est-il fait pour rester entre les mains d'une élite, ou bien faut-il le partager au plus grand nombre? Pour nous, la réponse va de soi, mais pour grand nombre de sociétés antiques, ça n'était pas si simple. Diffuser la science, c'est risquer d'en perdre le contrôle, et qu'elle tombe entre de mauvaises mains.

 

La vallée des neufs cités et phénix marquent les deux étapes cruciales pour l'humanité, l'entrée et la sortie du Moyen-Age. Mais il y a une rupture avec les idées préconçues que tout un chacun peut avoir de cette période historique. Pour Bernard Simonay, il s'agit avant tout d'une lente convalescence de l'humanité, qui a traversé la débauche décadente, puis le cataclysme total, non d'une ère obscurantiste. Si ce qui ne tue pas rend plus fort, alors l'humanité sort grandie de ses erreurs, plus sage, et même physiquement modifiée, pour survivre aux nouvelles conditions de vie.

 

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Les erreurs passées ne se font pas oublier pour autant. Simonay distille avec parcimonie les informations sur la fin décadente de la société telle que nous la connaissons. Parfois, l'espace d'une page, des flashs venus d'entre les morts viennent percuter le lecteur sans qu'il ne s'y attende. Des récits atroces, analysés avec finesse et discernement. Mais ce ne sont pas les seuls.

 

Les séquelles du passé sont encore gravées sur la face du monde, et pas uniquement à travers les nouvelles espèces animales monstrueuses, ou les Terres Bleues, vastes régions porteuses d'un mal incurable. Graal évoque un autre héritage des ancêtres. Toute action est liée à une réaction, et la religion pacifique des amanes ne déroge pas à cette règle, quand le monde est menacé par un prophète fou.

 

Synthèse de tous les défauts, et tous les excès des religions actuelles. De tout ce qu'il y a de répugnant dans les dogmes établis: attentats suicides, intégrisme, guerre sainte, endoctrinement, femmes réduites à un statut d'esclaves. Tout y passe, et est aussitôt rejeté avec une violence toute légitime, ridiculisé, même quand l'un des personnage évoque la raison de la misogynie maladive du Prophète. La religion n'est pas écartée de manière monolithiques, c'est une certaine utilisation qui est fustigée par l'auteur.

 

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La saga Phénix mêle de manière inextricable anticipation, et héroïc-fantasy, chevalerie et technologies avancées. Chacun des romans concentre une richesse et une densité narrative rare, qui leur donne leur valeur. Chaque tome dévoile un peu plus ce qu'était le Jour du Soleil, sans jamais en donner trop. Le lecteur n'attend plus que de voir la mention « roman non écrit » se changer en « roman publié ».


(première publication : 6/4/2011)

(publié dans Sortie de Secours n°22)

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