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L ' O N A N E U R
16 avril 2012

crise : a+1

C'était il y a un an, les banques se cassaient la gueule, les traders crevaient sous le poids des chiffres précédés par de petits signes négatifs, les grandes places financières branlaient sous la secousse. Oui, c'était la crise, chaque jours, des nombres terrifiants volaient au dessus de nos tête, si haut, laissant des traces dans le ciel comme autant d'avions en flamme. Les journalistes nous annonçaient le pire, et je dois l'avouer, je l'attendait cette armageddon avec une certaine forme d'impatience. Les reportages dans les journaux faisaient monter en moi une sorte d'excitation, un peu comme si quelqu'un que je déteste construit un château de cartes sous le feu des projecteur, et que tout à coup le vent se met à souffler. Quel sentiment jouissif de pronostiquer la fin du monde de mes parents, de voir leur construction chuter dans un abysse sans fond. Je prenais mon pied en me disant que enfin, nous pourrions construire un monde nouveau, après avoir, bien sûr, pissé sur le tombeau de l'égoïsme de la génération précédente.

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J'avais été, au lycée, très marqué par les évènements du dernier siècle, les guerres mondiales avaient quelque chose de fascinant, la montée des fascismes angoissantes, mais surtout, les images de la crise de 29. Des guerres, il y en a eu des centaines sur cette planète, des dictatures surpuissantes aussi. Mais la crise de 29 a quelque chose de totalement inédit, comment la simple bêtise des hommes peut se casser la gueule sans prévenir. Les photos du livre d'histoire étaient impressionnantes, tout comme les anecdotes. Imaginez, les vieilles photos d'un noir et blanc sale montrant des gens hagards dans les rues d'une ville, ne savant plus à quelle monnaie se vouer, ou alors, des clichés de foules au bord de la révolte. Les anecdotes étaient elles aussi terrifiantes, les citoyens honnêtes obligés de pousser une brouette de billets sans valeur pour acheter un quignon de pain.

Je mis longtemps à comprendre les véritables mécanismes d'une récession, et le côté mystérieux de l'évènement le rendait plus attirant. Seulement, sa compréhension me permis de comprendre avec une acuité inouïe ce qui se passait à l'heure actuelle, avec les subprime, Lehman Brother et tout le reste. Je ne doutais pas d'assister à un nouveau 1929, tout qui se casse la gueule. Tout ces chiffres qui défilaient sur les écrans de télévision ne pouvaient être que la première étape de la Grande Fin. Seulement, ce défilé macabrement grotesque et grotesquement macabre s'évanouit, comme le font tout les sujets de l'actualité. Il était alors question de relance, de G20, d'Obama. Je n'y croyais pas, personne n'y croyait, même si certains préféraient fermer les yeux et suivre ces bonnes augures.

Le sujet s'éteignit peu à peu, remplaçé par d'autres, comme c'est toujours le cas dans les journaux. Je m'étais penché sur le sujet, et le voici qui disparaissait, je me retrouvais comme un absurde Tantale, assoiffé de la mort de ce monde, mais déçu dès que je me rapprochais trop. Certaines revues d'information continuaient à crier au feu, mais leur alarmisme prenait plus a forme d'une figure de style éditoriale pour se démarquer des voisins que d'une véritable conviction journalistique. La Crise n'aura pas lieu, en conclué-je, empli d'une rancoeur nouvelle contre tout cela, contre cette mascarade sordide, contre ces marionnettiste qui m'ont tant fait espéré le déclin du monde actuel.

Pourtant, j'aurais dut me méfier, le coup avait déjà été joué, il n'y a pas dix ans. Si si, souvenez vous, nous étions en 1999, la peur était sur toute les lèvres, et peut-être un espoir. Le fameux bug qui détruirait toutes les machines, tout les réseaux informatique. Un grand reset général, salvateur contre la pieuvre électronique qui contrôlait et sclérosait nos vies. Il était annoncé, et donc attendu ce bug. J'étais jeune à l'époque, et je ne pouvais vraiment réaliser ce qui se passait, je pressentais seulement que ce serait grave. Le gong a sonné, j'étais au lit à dormir. Rien ne s'était produit, un simple saint-sylvestre comme les autres, sans doutes avec une touche d'angoisse lors du célèbre décompte (peut-être un arrière goût de minuteur collé sur le flan d'une bombe atomique.

Il ne reste que des anecdotes de cette fin du monde. Kool Shen en parla dans une chanson, dénonçant l'escroquerie que le fustige ici: "Le bug, ici on l'attendait tous en se disant que si ça pète le premier janvier peut-être qu'on les pendrait tous, malheureusement, c'était une arnaque, un truc de plus puor faire de la thune par plaque". Plus amusant, le shock rocker Manson a raconté avoir attendu l'apocalypse avec impatience, accompagné de son ami Johnny Depp. Dépités et contrariés de voir que rien ne s'était passé à minuit une, ils noyèrent leur chagrin dans de l'absinthe, pour oublier cette débâcle, oublier cette fin du monde qui nous a foutu a tous un lapin gigantesque.

Je crois d'ailleurs que je vais à mon tour verser cet alcool à 66 degrés. Mon désarroi fut immense quand l'appris que la récession n'avait de crise que le nom. Cela dit, j'avais ces derniers temps un certain pressentiment au sujet de cette nouvelle fin du monde. Mais, je dois dire que je dois mon désenchantement à un ami. Je lui parlais alors avec exaltation de la crise, il me répondit par ces simples paroles: "Pour moi, le seul signe de crise c'est que mes camarades ont un peu galéré pour trouver des stages" Il avait raison, à part ce qu'on en voit à la télé, il n'y a aucun signe de crise. Le chômage? Il y en a depuis de nombreuses années! Les prix chers qui augmentent? Depuis le passage à l'euros les prix sont arrondis au supérieur. A l'exception de mon impatience de voir des flammes ravager wall street, il n'y avait rien.

Il n'y a en réalité qu'un seul signe tangible de l'existence d'une quelconque crise. Enfin, si, il y en a bien un, mais il reste discret, malgré sa violence. Je ne sais pas si je suis le seul à l'avoir constaté, mais les murs immaculés des villes se couvrent de phrases rouges ou noires, selon l'utopie politique du rédacteur. Des phrases de révolte, des appels au meurtre, des question pour que la foule prenne conscience de ce qui se passe. Mais les destinataires ne lèvent pas les yeux, restent les épaules accablées par des lustres d'esclavage, de désenchantement et d'échecs. Moi, je les vois, ces phrases, m'en imprègne. Elles possèdent la force de la rage, un énergie presque désespérée et pourtant puisante. Tout ces cris, ces interrogations me sautent aux yeux, je souhaite même en lire à chaque coin de rue!

Voici la fin du monde que je vis. Ses seules balafres sont quelque mots taggés sur les murailles, qui n'attendent que d'être effacé par un employé municipal trop servile, dont la révolte a été soufflée par le génie de notre temps. Que restera-t-il de la crise dans l'avenir, sera-t-elle simplement résumée entre deux encadrés paumés dans une page d'un livre d'histoire jamais ouvert par des élèves, enfants d'une génération désabusée? Je l'ignore, mais c'est au regard de cette fin foirée qu'on se rend compte de la puissance de l'ennemi, qui a la capacité d'étouffer les révoltes pour n'en faire que des marchandises sans valeur. Je rappellerais ici que le Che et mai 68 ne sont devenu que des produits commerciaux, qui ne valent pas mieux que Mc Do ou Bouygues.


(première publication : 28/8/2009)

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