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L ' O N A N E U R
15 avril 2012

c'est comme ça

C'est l'été, ça vous le savez tous, quoi que la fin arrive vite. Et en été, ce sont les vacances, donc le camping, et par extension, les apéros interminables, réunions de beaufs alcoolisés qui refont le monde à leur manière. Tout les sujets de conversation trouvent des solutions, à les entendre, tout est décortiqué dans des propos dont le quotient intellectuel est inversement proportionnel aux degrés d'alcool écrit sur les bouteilles exhibées sur la table.

Place_de_lapéro


Bon, je fais un mauvais procès des vacancistes professionnels, il est vrai qu'il s'entraînent dur tout au long de l'année dans les bistrots, alimentant ainsi les compilations de brèves de comptoirs. Ce genre de conversation faisant douter de l'intelligence humaine se retrouve, en fait partout. Et partout, le même air dégagé de personnes débitant avec conviction des stupideries. Je parle de comptoir, mais aussi des pauses au boulot, des repas de famille. Bref, partout.

Je n'apprécie pas côtoyer ce genre de milieu, préférant me taire plus que de paraître pour un imbécile aux yeux des idiots (ce qui est, cependant chose très agréable). Je préfère la fermer, et écouter rêveusement, suivant le bon vieux dicton: ne pas parler aux beaufs, ça les instruit. Ca m'amuse de laisser les gens dans leur ignorance savante, les entendre s'embourber avec un sourire en coin des lèvres.

Dernièrement, donc, pour clore cette introduction, j'ai eu l'occasion d'entendre moult et moult débats trépidants, passant d'un sujet à l'autre. Tout est passé par ces moulins à parole: le pape, le topless, la couleur de l'herbe, le prix exorbitant des bâtons de cancer, la politique, les chansons scandaleuses d'Orelsan... Des sujets bateaux, en somme. Répétés encore et encore. A chaque fois, les mêmes mots sortent, dans le même ordre. Mais, j'ai remarqué un phénomène amusant, chaque conversation se terminait par un "c'est comme ça".

J'en fus très étonné, et ait cherché à en connaître le sens et la raison. En remontant dans le passé, je me suis souvenu avoir déjà entendu cette expression, toujours dans de pareilles conditions, lors de conversations de quidams quelconques, et toujours pour clore une conversation et en engager une autre. Je me suis dit qu'il avait plus ou moins le même fonctionnement que le "voilà, voilà..." qui sert à casser les blancs trop longs entre deux échanges.

J'ai très vite été tenté, lors de mon étude de me dire: "c'est comme ça", et d'abandonner. Un abandon qui aurait été à la fois lâche et non scientifique. Pas digne d'un prochain licencié en lettres modernes.

Le "c'est comme ça" a à peut près le sens de "on n'y peut rien", il exprime une certaine impuissance face au sujet traité lors de la discussion, mais cela va bien plus loin, à l'entente de ces quatre mots, le sujet est abandonné du revers de la langue, toutefois, j'ai pu noter que chaque sujet était à peine survolé, "c'est comme ça" arrivait très vite, empêchant tout approfondissement salutaire.

L'expression serait en quelque sorte une conclusion qui tombe au moment où les différents locuteurs commencent à s'apitoyer sur sont sort. Le résultat est fulgurant en ce sens. Une petite gorgée d'alcool et la logorrhée repart de plus belle dans une autre direction. J'ai ainsi conclu que le constat d'impuissance avait dans un camping un effet dévastateur, d'où l'invention du "c'est comme ça". Enfin un remède qui ne creuse pas le trou de la sécurité sociale. L'arme anti-bloose universelle.

Seulement voilà, après avoir plus approfondi la chose, j'ai tiré une conclusion effarante. Le "c'est comme ça", s'il a souvent la simple valeur que je vient de lui donner en une autre, qui repose, elle? sur le mensonge. Je n'y avais pas pensé plus tôt, mais ça tombe sous le sens.

Alors que j'étudiais l'expression dans son milieu naturel, je l'ai vu surgir après un violent pamphlet-ricard concernant notre président. L'un sujet très couru cet été. (classé au top 10 des discutions de pochetrons). Vu que nous sommes en démocratie, le fameux "c'est comme ça" n'avait plus de sens, le peuple a le pouvoir sur ses dirigeants, vu que étymologiquement, c'est le peuple qui commande. L'argument d'impuissance n'avait donc pas lieu d'être, et pourtant, il était bien présent, sous mon nez. J'ai donc décidé de capturer le spécimen pour l'étudier au labo. J'en ai profité de mon travail pour rapporter d'autres individus de la même espèce, tous capturés lors de discutions politiques.

Dans les sujets, il n'était aucunement question d'une quelconque impuissance, mais de choix faits par les citoyens et citoyennes du pays, des gens tous intelligents, responsables qui vont devant l'urne avec une conscience aiguë de la politique. Seulement, ces mêmes gens se retrouvaient un été plus tard autour d'une table en plastique branlante à pester contre l'homme choisi, contre ses décisions, et autre. Je fus d'ailleurs étonné que les touristes se complaisent dans leurs critiques stériles, mais jamais ne parlaient des noms qu'ils ont déposé dans les urnes. Cette observation m'ouvrit la voie à une conclusion étonnante: le "c'est comme ça" permettait aux concitoyens lambda de ne pas se retrouver face à leurs erreurs d'isoloir. Grâce à lui, ils n'avait pas à se dire qu'ils étaient les causes des conséquences qu'ils critiquaient. "C'est comme ça" est donc un libérateur de conscience énorme. S'il était encore en vie, je conseillerais Caïn, mort à cause de sa mauvaise conscience pour avoir tué son frère de se dire: "c'est comme ça".

"C'est comme ça" a donc un double rôle, selon la nature du terrain qu'il occupe soit il balaye le sentiment d'impuissance qui pèse lourd sur les épaules des vacanciers, soit il évacue la culpabilité. Dans ces deux domaines, il est effroyablement efficace, peut-être serait-il plus judicieux et plus intelligent d'aller au-delà de cette expression, comme on dépasse une frontière supposée infranchissable, et approfondissant le sujet au-delà. Les techniques existent, mais c'est leur application qui est compliquée. Enfin, c'est comme ça.


(première publication : 16/8/2009)

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